LA NAISSANCE D’UN ROYAUME

Après la réunion des deux Bourgognes sous le sceptre de l’empereur Conrad le Salique, Humbert Ier obtint de ce prince le titre de comte souverain de Maurienne. Cette concession, toutefois, ne s’étendait qu’à une partie de la Maurienne et à quelques-unes de ses petites vallées. Le comte habita, ainsi que ses successeurs, jusqu’au milieu du XIIIe siècle, le château fort de Charbonnière, résidence ordinaire dés marquis, feudataires des rois de Bourgogne et chargés, par eux, de défendre la vallée de Maurienne et la ville d’Aiguebelle. Tels furent l’humble berceau et les premiers domaines de la puissante monarchie de Savoie.

Cependant le titre de comte de Savoie ne semble avoir été pris pour la première fois que par Humbert II. La Savoie eut, comme la France, les folles terreurs de l’an 1000 qui multiplièrent les fondations religieuses. Le siècle suivant fut celui des croisades ; ce fut principalement à la troisième que prit part la Savoie. Amédée III accompagna le roi de France Louis VII ; il mourut à Nicosie, dans l’île de Chypre, deux ans après son départ de Charbonnière.

Voici le nom des principaux seigneurs dont il fut suivi le baron de Faucigny et son fils, les barons de Seyssel et de La Chambre, ceux de Miolans et de Montbel, les seigneurs de Thoire, de Montmayeur, de Vienne-de-Viry, de La Palude, de Blonay, de Chevron-Villette, de Chignin et de Châtillon.

De l’an 1033 à 1391, dix-sept comtes de la dynastie de Savoie possèdent successivement tout ou partie du pays. Voici la liste de ces princes, avec la date approximative de leur règne, sans y comprendre le trop problématique Bérold de Saxe : 1033. Humbert Ier, dit aux Blanches mains. – 1048. Amédée Ier, ou, par abréviation, Amé, surnommé la Queue. – 1069. Oddon ou Othon. – 1078. Amédée Il, surnommé Adélao. – 1094. Humbert II, dit le Renforcé. – 1103, Amédée III. – 1150. Humbert III, surnommé le Saint. – 1188. Thomas Ier. – 1230. Amédée IV. – 1253. Boniface, dit le Roland. – 1263. Pierre, dit le petit Charlemagne. – 1268. Philippe. – 1285. Amédée V, dit le Grand. – 1323. Édouard, surnommé le Libéral. – 1329. Aimon, dit le Pacifique. – 1344. Amédée VI, dit le comte Vert. – 1383. Amédée VII, surnommé le Rouge, le Noir ou le Roux.

Sous Boniface, ce fut la lèpre qui envahit le pays. Ce prince mourut prisonnier de Charles d’Anjou, qui l’avait vaincu à Turin. Pierre vengea son neveu ; il éleva la Savoie au rang des puissances secondaires de son temps.

Sous Amédée VI, les frontières de la Savoie se déterminent d’une manière presque stable du côté du Valais, de la France et du Dauphiné. Ce prince acquiert les baronnies du pays de Vaud, se consolide à Genève et dans le Piémont.
Aux dix-sept comtes succède, en 1391, dans la personne d’Amédée VIII, dit le Pacifique ou le Salomon, une série de quatorze ducs:

Louis, en 1440 ; – Amédée IX, dit le Bienheureux, en 1465 ; – Philibert Ier, surnommé le Chasseur, en 1472 ; à Charles Ier, surnommé le Guerrier, en 1482 ; – Charles-Jean-Amédée ou Charles II, en 1490 ; – Philippe, surnommé sans Terre, en 1496 ; – Philibert II, surnommé le Beau, en 1497 ; – Charles III, surnommé le Bon ou le Malheureux, en 1504 ; -Emmanuel-Philibert, surnommé Tête de Fer ou le Prince à cent yeux, en 1553 ; – Charles-Emmanuel, surnommé le Grand, en 1590 ; – Victor-Amédée Ier, en 1630 ; – François-Hyacinthe, en 1637 ; – Charles-Emmanuel II, en 1638.

Peu d’éloges et de panégyriques princiers valent ce que dit Olivier de La Marelle d’Amédée VIII. « En ce temps où l’Europe entière était en armes, le duc, homme de vertus singulières, était enclin a la paix ; il vécut sans guerre avec Français et Bourguignons et si sagement se gouverna parmi tant de divisions, que son pays de Savoie était le plus riche, le plus sûr, le plus plantureux de tous ses voisins. »
Les développements et la prospérité d’Annecy datent de ce règne. Chambéry reçut dans ses murs l’empereur Sigismond, qui, le jour même de son arrivée, en 1416, érigea en duché le comté de Savoie. L’ordre de Saint-Maurice fut créé par Amédée VIII, en 1434. Quoique le duc Louis fût loin de posséder les qualités de son père, et quoique son règne ait été beaucoup moins glorieux, ses alliances apportèrent aux souverains de Savoie le titre de rois de Chypre et de Jérusalem. Des froids excessifs, des pestes, des famines et des dissensions intestines concoururent à rendre malheureux le règne d’Amédée IX et la régence qui suivit.

Sous le règne suivant, quoique le duc Charles ait été surnommé le Guerrier, la Savoie retrouva des jours meilleurs. La cour de ce prince était, disent les chroniqueurs du temps, une parfaite école d’honneur et de vertu. Ce fut à cette école que l’évêque de Grenoble conduisit, en 1488, son neveu Pierre du Terrail, qui devint depuis l’illustre Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche. Jeune alors, ce héros servit le duc Charles Ier, en qualité de page, et continua son service auprès de sa veuve Blanche de Montferrat.