7 SIÈCLES D’HISTOIRE
Parmi les nombreux châteaux forts qui, tout au long du Moyen Age, ont vu le jour sur les rives du lac Léman, celui de Rolle est l’un des plus mystérieux, du moins en ce qui concerne son origine et l’histoire de sa construction. Comme celui de Morges, il s’élève tout près de l’eau et, jadis, était protégé du côté de la ville par des fossés. Dépourvu de ses fortifications extérieures cet ouvrage se présente aujourd’hui comme un quadrilatère de plan irrégulier, flanqué à chaque angle d’une tour.
Sa partie ouest a presque complètement perdu sa silhouette moyenâgeuse. Aussi bien dans la forme que dans le genre de leur construction, les tours d’angle diffèrent fortement l’une de l’autre. Celle de l’angle nord-ouest est de plan circulaire, la tour flanquant l’angle obtus tourné vers le lac est construite sur un plan rectangulaire, tandis que le plan des deux autres décrit un demi-ovale fermé et surhaussé. Entre ces tours, l’enceinte décrit des lignes droites. Par endroits, les restes d’un chemin de ronde sont encore visibles.
Quelques longs bâtiments contigus s’adossent sur la face intérieure des murailles, où ils cernent une vaste cour. Plusieurs phases de construction se profilent sur ces bâtisses. Des arcades aménagées du côté de la cour ont en grande partie été murées. La distribution intérieure a elle aussi subi divers remaniements. Sont notamment de date récente les grandes fenêtres qui, surtout du côté extérieur, ont largement entravé le caractère défensif du château. Les meurtrières dont sont munis le mur d’enceinte et les tours d’angle ont été modifiées lorsque apparurent les armes à feu.
Sans une étude archéologique approfondie, il n’est pas possible d’expliquer de façon concluante pourquoi la forteresse de Rolle présente un plan aussi étrangement irrégulier, surtout en ce qui concerne la partie donnant sur le lac, avec son mur d’enceinte à angle obtus et sa tour carrée. Pour ce qui est du reste du château, donc de la tour ronde et des deux tours flanquantes semi-circulaires, on a tendance à voir là le torse d’un ouvrage correspondant au modèle du carré savoyard, avec donjon rond et tours d’angle plus petites. Mais comment la partie orientale du château, totalement différente du schéma habituel, s’explique-t-elle? Le plan primitif du carré n’a-t-il jamais été mis à exécution du côté du lac ou a-t-il été librement modifié pour permettre d’englober dans l’ouvrage une tour plus ancienne?
LES BÂTISSEURS
Le château a certainement été fondé par la maison de Savoie, sans doute au cours du troisième quart du XIIIe siècle. Citée pour la première fois dans des actes de 1291, la forteresse de Rolle se trouvait alors en possession du comte Amédée V de Savoie, qui à cette date l’inféoda à Aymon de Sallenove.
En 1295, le fief passa aux mains du chevalier Jean de Greilly, dont les descendant résidèrent à Rolle jusqu’au XVe siècle. C’est vers 1319 que les comtes de Savoie fondèrent la petite ville de Rolle, sur le terrain bas qui s’étend à l’ouest du château.
Après 1400, les seigneurs de Greilly héritèrent non seulement le titre de comtes de Foix, mais encore des terres étendues en Guyenne. Ce qui entraîna cette famille dans les désordres consécutifs à la Guerre de Cent Ans, qui opposait la France à l’Angleterre. Jean de Greilly, comte de Foix, partisan de l’Angleterre, fut fait prisonnier en 1453 par les Français. Pour pouvoir payer la rançon exigée, son père se vit obligé de vendre son fief savoyard. Rolle fut acquis par Amédée de Viry, seigneur de Mont-le-Vieux.
En 1531, les biens de ce dernier passèrent à Jean Amédée de Beaufort et en 1536, les Bernois, lorsqu’ils prirent possession du Pays de Vaud, se chargèrent également de la suzeraineté savoyarde sur Rolle. Mais Jean Amédée, membre de la Ligue de la Cuiller, ne daigna prêter hommage et fidélité au Conseil de Berne qu’en 1543.
En 1550, de lourdes dettes le contraignirent à vendre le château de Rolle au comte Michel de Gruyères, qui ne jouit toutefois pas longtemps de sa remarquable acquisition. Sa ruine économique, provoquée par Berne et Fribourg, l’oblige à son tour à vendre ses biens.
Le château de Rolle fut acheté en 1558 par un riche patricien bernois, Jean de Steiger, dont les armoiries ornent aujourd’hui encore la façade donnant sur la cour. La famille de Steiger conserva le château et les droits seigneuriaux près de deux siècles. (Rolle seigneurie de 1270 à 1483 )
Par succession, le château passe aux mains de Charles-Rodolphe Kirchberger (1739 -1808) en 1765. Ruiné lui aussi, mais par la liquidation des droits féodaux, il vend tous ses biens.
Le château est ainsi racheté par la commune de Rolle, en mise publique, le 29 mars 1799.
Ensuite, la commune l’utilisa pour loger les écoles, les prisons de district, la bibliothèque publique et l’administration communale. Aujourd’hui, le château accueille des associations, une salle d’exposition et les séances du Conseil communal. Il abrite la bibliothèque historique riche de 20000 ouvrages. Sa situation privilégiée, au bord du Léman, au coeur d’une région touristique très prisée, le destine à un avenir prometteur.
Le château de Rolle est l’un des dernier château du Pays de Vaud à ne pas avoir reçu une affectation digne de son histoire lui permettant de retrouver son luxe d’antan.
L’Association des Amis du Château de Rolle créée en 2005 veille désormais à la conservation et à la dynamisation de ce patrimoine.