Frédéric-César de la Harpe     (1753 – 1833)

Né à Rolle le 6 avril 1754, Frederic-César de La Harpe est une figure historique à la destinée exceptionnelle.

En 1768, à l’âge de quatorze ans, La Harpe est envoyé par son père au séminaire de Haldenstein dans les Grisons, fondé par deux partisans de la philosophie des Lumières, membres de la Société helvétique, le Grison Planta et son ami Nesemann. L’enseignement révolutionnaire qui y est donné vise à insuffler l’idéal républicain aux élèves qui sont organisés en assemblée de « citoyens » et se prononcent sur les questions concernant leur école. Avec son cousin Amédée de La Harpe, le futur général, Frédéric-César passera deux années à Haldenstein, déterminantes pour sa formation morale, politique, scientifique et pédagogique.

Le jeune homme poursuit ensuite ses études, d’abord à l’Académie de Genève, principalement en sciences, puis à l’Université de Tübingen, où il obtient, en 1774, un doctorat en droit. II a tout juste vingt ans.

Henri Monod (1753 – 1833)

Dans cette ville, il fait aussi la connaissance d’Henri Monod, de Morges, son aîné de deux ans : c’est le début d’une amitié qui ne se démentira jamais entre les deux hommes. De retour à Rolle, il devient avocat, s’ennuie dans cette petite bourgade et s’installe finalement à Lausanne en 1778, où il entre au Conseil des Deux-Cents. 

Le jeune républicain, nourri des idéaux antiques et de ceux des Lumières, va être confronté à la situation du Pays de Vaud et à l’absence de liberté qui y règne à cette époque.

L’un des signes les plus visibles de la domination de LL.EE. s’exprime alors à travers l’administration de la justice : les tribunaux se trouvaient à Berne, et si une cour de justice spéciale était réservée aux Vaudois où les débats avaient lieu en français, le tribunal se composait néanmoins exclusivement de patriciens bernois. La Harpe obtient, en 1782, la plus haute charge à laquelle pouvait prétendre un « sujet » : l’autorisation de plaider à Berne. Mais cette proximité du pouvoir va lui faire sentir encore davantage la différence entre un bourgeois « de Berne » et un sujet vaudois. L’un des signes les plus visibles de la domination de LL.EE. s’exprime alors ä travers l’administration de la justice : les tribunaux se trouvaient à Berne, et si une cour de justice spéciale était réservée aux Vaudois où les débats avaient lieu en français, le tribunal se composait néanmoins exclusivement de patriciens bernois.

La Harpe obtient, en 1782, la plus haute charge à laquelle pouvait prétendre un « sujet » : l’autorisation de plaider ä Berne. Mais cette proximité du pouvoir va lui faire sentir encore davantage la différence entre un bourgeois « de Berne » et un sujet vaudois.

« Que signifie votre attitude Ignorez-vous peut-être que vous êtes nos sujets » lui lance l’avoyer bernois von Steiger lors d’une discussion un peu vive. Cet affront est la goutte qui fait déborder le vase : La Harpe sent qu’il ne pourra jamais vivre dans ces conditions et il décide, à l’âge de 28 ans, d’aller tenter sa chance ailleurs, de s’expatrier.

 

1783-1795 : le précepteur des grands-ducs

Après un séjour en Italie, Fréderic-César de La Harpe se laisse tenter et rallie St-Pétersbourg via Venise, Vienne et Varsovie – où il rencontre, dans une loge maçonnique, un autre Vaudois expatrie, Pierre-Maurice Glayre, conseiller du roi de Pologne. II arrive dans la capitale de l’empire en janvier 1783. Après quelques semaines d’attente, Alexandre Lanskoj l’informe, le 19 mars, qu’il est pressenti pour occuper un poste auprès des petits fils de Catherine II, Alexandre, son préféré et dont elle espère faire son héritier, et son jeune frère Constantin ; il devra parier le français aux deux jeunes grands-ducs. Mais La Harpe a d’autres ambitions : il fait remettre ä l’impératrice un mémoire où il insiste sur l’importance de l’enseignement de la géographie, de la philosophie et surtout de l’histoire : « Tout citoyen qui se destine à être utile à son pays dans le maniement des affaires publiques doit étudier l’histoire ; à plus forte raison doit-elle être l’étude d’un prince… ».

Dans la marge du mémoire de vingt-quatre pages, l’impératrice écrit de sa main : « Celui qui a composé cet écrit parait assurément capable d’enseigner plus que la seule langue française ».

A la fin de 1794, La Harpe apprend que ses fonctions cesseront le Ier janvier 1795 En mai, il prend congé de son élève et ces adieux sont déchirants • « Souvenez-vous que vous laissez ici », lui écrit le futur tsar, « un homme qui vous est dévoué, qui ne peut pas vous exprimer sa reconnaissance, qui vous doit tout » . La Harpe quitte alors la Russie où il a passé onze ans Ii y a appris le russe, « aussi difficile qu’il est sublime », s’y est marié en 1790 avec une demoiselle Dorothée Boehtlingk. ll a reçu la croix de St-Vladimir, le grade de colonel et une pension.

Proscrit par Berne à la suite des événements survenus en 1791 dans le Pays de Vaud – son projet de pétition envoyé en 1790 a été saisi —, il ne peut s’établir dans sa patrie et s’installe donc à Genthod, sur territoire genevois, le plus près possible de son pays II y mène une vie retirée qui prend fin brusquement en mai 1796, à l’annonce de la mort de son cousin le général Amédée Laharpe. Commence alors une période d’ intense activité politique qui l’amènera à revendiquer justice pour sa famille, puis à se battre pour l’indépendance du Pays de Vaud. 

Source:Frédéric-César de La Harpe : une vie au service de la liberté – Marie-Claude Jequier
Revue historique vaudoise 1999 – www.e-periodica.ch/